9 juin 1975

PISA, ou l'armée suisse en banque de données

01 Informatique No. 338

Dès septembre 1975, 90 000 soldats suisses participeront à l’expérience pilote qui conduira à l’élaboration d’une banque de données pour la totalité de l’armée du pays.

L’armée suisse est, sans doute, l’armée non professionnelle la plus minutieusement organisée. Cette organisation nécessite une quantité de travaux administratifs à divers échelons. Soucieux de soulager les autorités militaires concernées, chefs de section, commandants de troupe, autorités cantonales, le Département Militaire Fédéral a entrepris, dès 1972, l’étude d’un projet, le projet PISA (Personal Informations System der Armée), visant à créer un système central d’information pour les personnes incorporées. PISA réunira, dans une vaste banque de données, les informations personnelles nécessaires à la tenue des contrôles d’un million de soldats suisses.

Vu l’ampleur du projet, dont l’enveloppe financière est évaluée à environ 50 millions de CHF, on comprend que le service de l’adjudance, qui a été chargé de conduire les opérations, ait mis tous les atouts dans son jeu, pour en obtenir le succès.

Un cahier des charges a été remis, au mois d’août 1974, aux constructeurs désireux de soumettre leurs propositions. Sur cette base, 6 offres ont été remises dès le mois de février dernier et sont à l’étude au service de l’adjudance, aidé dans cette tâche par deux sociétés de services suisses. Si l’origine des offres n’est pas révélée, il n’est pas très difficile néanmoins d’en imaginer la provenance, à savoir les principaux grands constructeurs. Il est fort vraisemblable que seuls deux ou trois d’entre eux sont à même de proposer le système complet, soit l’ordinateur central de grande puissance et tous les terminaux. Il est possible également que la direction de PISA sélectionne deux fournisseurs différents, l’un pour le système central, l’autre pour les périphériques.

Parallèlement au dépouillement de ces offres et aussi pour en mieux discerner la valeur, la direction de PISA prépare une expérience pilote qui débutera à l’automne prochain. Elle touche les troupes mécanisées et légères ainsi que tous les soldats du canton de Berne, Berne ayant été choisie notamment pour son bilinguisme. En tout, cela représente environ 9 000 hommes, soit un peu moins de 10% de l’effectif total. Les travaux sont effectués au centre de calcul du Département Militaire qui utilise des ordinateurs IBM.

La direction de PISA se basera ainsi à la fois sur l’évaluation des offres du matériel et sur les résultats de l’expérience pilote pour effectuer des calculs de rentabilité et rédiger un rapport qui sera soumis au Conseil Fédéral au début de 1976. S’il est approuvé dans des délais raisonnables, PISA devrait être opérationnel dès 1980.

Les objections à PISA pourraient être à la fois d’ordre politique et psychologique. Objections des autorités militaires cantonales face à un système centralisé et objections des individus contre les dangers d’une banque de données qui porteraient atteinte aux droits de la personne.

Le colonel Rolf Sprenger, à la direction du projet, insiste particulièrement sur ces deux points: « Les autorités militaires cantonales effectueront moins de travaux fastidieux mais elles jouiront des mêmes prérogatives et recevront les mêmes informations qu’avant. Par ailleurs, la sécurité des données sera encore mieux assurée dans un système centralisé que dans un système où plusieurs contrôles interviennent successivement ». Pour mieux informer les futurs utilisateurs du déroulement des travaux, le service de l’adjudance rédige à l’attention de chaque commandant de troupe, un journal du projet, le PISA Report.

Et déjà, au-delà du projet actuel, on entrevoit l’étape future dans les années 80-90, un système de conduite entièrement automatisé.

Marielle Stamm