20 novembre 1978

Raymond Morel, président du Groupe de coordination informatique: «L'informatique à l'école doit être généralisée»

01 Informatique No. 515

Au collège Calvin, de Genève, 350 adolescents s’initient cette année à l’informatique. Mais leur cours est une matière à option et leur expérience reste, avec quelques autres en Suisse, isolée. C’est dire tout l’intérêt du rapport sur l’introduction de l’informatique dans l’enseignement secondaire qui vient d’être présenté à Interlaken au cours d’un séminaire organisé par le Centre suisse pour le perfectionnement des professeurs. « Nous espérons que nos expériences pilotes pourront sans trop tarder être étendues à l’ensemble de la Suisse », explique Raymond Morel, président du Groupe de coordination informatique* qui a rédigé ce rapport…

« Nous préconisons une initiation à l’informatique de 24 heures, obligatoire pour tous les types de maturité, soit dès la dixième année de scolarité. L’élève pourrait en outre poursuivre l’étude de l’informatique dans des cours facultatifs ou à option, comptant pour l’obtention de la maturité. Une première expérimentation de ce nouveau régime est faite dès maintenant dans quelques établissements du niveau du gymnase. »

Une discipline fondamentale

Quand on sait que les branches scientifiques comprennent obligatoirement 1’000 à 1’200 heures de cours pendant les trois années précédant la maturité, les 24 heures d’informatique paraissent bien insuffisantes. Le président du Groupe de coordination en est bien conscient: « C’est une solution de compromis destinée à faire admettre le principe même de l’introduction de l’informatique à l’école et à poursuivre les expériences en cours. » Car, derrière la modestie de ce programme, se cachent des objectifs qui risquent fort d’étonner la majorité des professeurs encore peu sensibilisés au phénomène informatique.

Adoptant le point de vue de nombreux penseurs à l’étranger, « le Groupe de coordination se refuse à considérer l’informatique comme une nouvelle discipline à enseigner pour elle-même. Il estime au contraire qu’elle est une discipline fondamentale dont les méthodes s’appliquent à toutes les activités humaines ».

Une telle optique, prônant l’interdisciplinarité de l’outil et de la méthodologie informatiques, ne peut que bouleverser les habitudes et schémas de pensée de l’ensemble du corps enseignant.

Aussi une des activités principales du groupe de coordination est-elle l’échange d’informations et la formation des professeurs. « Nous animons, plusieurs fois par an, dans le cadre du Centre de perfectionnement de Lucerne, différents cours de recyclage tel celui sur la méthodologie d’introduction des 24 heures, ou celui pour les méthodologues ou formateurs eux-mêmes. Les rencontres d’Interlaken – celles de 1978 sont les troisièmes – favorisent l’échange d’informations et d’expériences. »

Unifier le matériel didactique

Une soixantaine de professeurs ont assisté à des présentations des plus variées allant d’un programme de scansion des vers latins à la simulation d’un flot de neutrons en passant par un jeu d’entreprise ou la génération de textes en français syntaxiquement corrects. Le tout illustré par des démonstrations en ligne.

Enfin, la revue « lnterface », en recensant les packages existants, établit le lien entre les établissements et crée un courant d’échanges.

« Indépendamment du manque de formation de leurs professeurs, les écoles se heurtent à une autre difficulté, celle de l’hétérogénéité des matériels. Un pays centralisé comme la France a pu imposer un matériel unique, des mini-ordinateurs Mitra ou Télémécanique sur lesquels a été développé un langage spécifique, LSE. Mais dans un pays fédéral comme le nôtre, la liberté de choix dans les cantons et les écoles est un principe fondamental », ajoute Raymond Morel. C’est pourquoi le Groupe de coordination s’attache plutôt à promouvoir une unification du contenu de l’enseignement de la doctrine et du matériel didactique.

« Certains pays étrangers sont plus avancés que nous, comme la Grande-Bretagne et la France où l’on recense déjà soixante lycées équipés de matériels informatiques. En Allemagne fédérale, une commission ad hoc a déposé, en 1976, un rapport très élaboré dont les conclusions sont très voisine des nôtres ». C’est pourquoi, pense l’animateur du Groupe de coordination, il est grand temps que les autorités fédérales et cantonales compétentes en matière d’instruction publique prennent les mesures nécessaires pour élargir le programme prévu dans le rapport à l’ensemble du pays. Sinon les expériences en cours dans les cantons de Genève, Neuchâtel, Vaud, Bâle, Zurich et au Tessin, resteront isolées et le privilège de quelques adolescents, au détriment du développement de la société helvétique de demain.

Marielle Stamm

* Et responsable de Centre de calcul du collège Calvin, à Genève.