25 avril 1977

Divergences autour de l'informatisation de la police

01 Informatique No. 433

Forces centrifuges et tendances centralisatrices continuent à s’affronter autour des différents projets proposés pour doter la police de moyens informatiques. Aussi les choses n’ont-elles pas beaucoup évolué depuis notre article paru le 28 juillet 1975 (01-Hebdo – N° 345), elles se sont simplement précisées.

D’un côté, le projet fédéral KIS (Kriminal polizeiliches Informations System) centralisé remporte les suffrages de 19 cantons suisses alémaniques; de l’autre, le projet élaboré à Genève a été adopté dans son principe par les cantons romands et le Tessin.

Les divergences sont telles qu’une expertise en vue d’évaluer les solutions est en cours. Le verdict sera connu fin mai.

Si l’adoption d’un système pour doter la police (ou les polices) suisse accuse un tel retard (de tels systèmes sont déjà opérationnels dans plusieurs pays, comme par exemple la Suède et l’Allemagne), c’est que peu de projets se meuvent dans un contexte aussi délicat et se heurtent à autant de difficultés.

Un contexte plein d’obstacles

La première tient au domaine concerné, celui de la police, sur lequel chaque individu est, on le sait, extrêmement sensibilisé. Chaque occasion de relancer une polémique sur la protection de la sphère privée ne manque pas d’être exploitée par les mass media ou par les partis politiques.

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L’informatisation de la police, la quadrature du cercle – Suite de la première page

Aussi les autorités de police observent-elles une très grande prudence et l’adoption récente à Genève d’une loi sur la protection des données n’est-elle pas tout à fait étrangère au développement du projet de la police genevoise.

La deuxième difficulté découle de la structure fédéraliste de la Suisse. Certains cantons souhaitent conserver leur souveraineté et leur indépendance en matière de police, ne laissant à la Confédération que les domaines bien spécifiques qui lui sont réservés. D’autres préféreraient mettre en commun et centraliser les moyens techniques pour partager les coûts d’investissement.

Corollaire du fédéralisme, le bilinguisme complique encore la tâche. Les cantons romands, auxquels s’est greffé le Tessin, trouvent qu’un système bilingue reviendrait très cher et marquent leur préférence pour un système régional francophone.

Enfin, la complexité du problème vient essentiellement du nombre de personnes et organismes impliqués dans les décisions à prendre. Viennent d’abord les autorités. Sur le plan cantonal, les autorités politiques, directeurs de justice et police et les autorités opérationnelles, les commandants de police. Sur le plan fédéral, le chef du département de justice et police et le Procureur général de la Confédération. Nous trouvons ensuite différents organismes consultatifs, comme à Berne, la Centrale pour les questions d’organisation ou ZOB, qui donne son avis sur tous les investissements de la Confédération en matière d’informatique, et son parallèle à Genève, la Commission Interdépartementale de l’Informatique ou CIDI. Sur le plan intercantonal, intervient la Conférence suisse sur l’informatique.

En outre, il existe des commissions spécialisées qui sont l’émanation des différentes autorités que nous venons de citer; la Commission informatique des directeurs, créée comme son nom l’indique par la Conférence des directeurs de police, et la Commission EDV issue de la conférence des commandants.

Nommée par cette dernière, la commission du projet KIS se compose de trois membres, un Zurichois, un Genevois et un représentant de la Confédération émanant de la ZOB.

Enfin, et en dernier ressort, la commission EDV a décidé de demander une expertise comparative des solutions à un groupe d’experts neutres et de confier à la Conférence suisse sur l’informatique la tâche d’organiser les travaux. Ce groupe doit déposer son rapport prochainement, rapport qui devrait dénouer théoriquement l’affaire.

C’est donc dans ce contexte que se sont développés en parallèle les projets de solutions qui s’opposent aujourd’hui. Les divergences reposent d’ailleurs sur une ambiguïté concernant les compétences respectives des cantons et de la Confédération.

Personnes recherchées ou personnes connues

A l’origine, le principe selon lequel le casier judiciaire, le registre des détenus et les personnes recherchées (Moniteur suisse de Police) étaient du ressort de la Confédération, tandis que la recherche criminelle restait de la compétence des cantons, paraissait acquis. Acquise aussi, une participation financière de la Confédération dans ce dernier domaine.

C’est pourquoi la Commission du projet KIS a entrepris en priorité, dès 1972, une étude sur les personnes recherchées. Et, en parallèle, Genève a développé un projet portant essentiellement sur la recherche criminelle sur la base d’un fichier des personnes connues. En 1976, dès lors que le modèle KIS englobait et centralisait la deuxième démarche, la recherche criminelle, les deux projets: devenaient concurrents.

Marielle Stamm

Voir la deuxième partie de cet article: Faut-il centraliser?